Jean-Marie Hacquier, Jazz Hot n°686 (hiver 2018/19)
La complicité entre les quatre musiciens qui règne dans cet album, magnifiquement accompli, tout comme leurs audaces nous ramènent à la méditation suprême. Dès le premier thème («Shifted») on est interpellés par le jeu aérien de Jeroen Van Herzeele. Sal La Rocca s'affirme en leader incontestable. Sanctifié par la grâce de Thelonious Monk, Pascal Mohy martèle les accords. Tel Elvin Jones, Lieven Venken accompagne le discours et contre-chante les envolées. «Waiting», léger, offre au saxophoniste l'occasion d'aborder la poésie de l'auteur par un son ample et lyrique. «Psalm» est entamé par une première partie de basse solide et solitaire suivie d'un solo de piano digne des plus grands hard-boppers; Jeroen Van Herzeele parachève la prière déchirée, doublée, modale. Le solo de piano sur «Wise One» est riche, néoromantique. Lent, calme, séduisant, «Bicycle» permet d'apprécier la manière dont Sal La Rocca vibre les notes à la limite du décrochage. Invité pour «Cache-Cash» et «Ragga», Phil Abraham vient enrichir l'expression illuminée du groupe. Pour «Ragga», Pascal Mohy s'exprime, différent, coloré, sur le Würlitzer. Ces deux thèmes sont exposés note pour note en duo par le saxophoniste et le tromboniste; «Ragga» est sublimé par leurs échanges en forme d'appels et de réponses. «Syndrome», charpenté en up-tempo par le bassiste, permet à Pascal Mohy quelques audaces qui libèrent les délires du soprano. Le soufflé retombe lorsque Sal La Rocca prend un solo et quelques enjambées lourdes en harmonie avec les cymbales de Lieven Venken. Afin de certifier l'universalité de leurs choix musicaux, les musiciens terminent avec «Last Kiss»: sorte de cantique des âmes bien-nées. L'album est une réussite totale pour la musique de Sal La Rocca; il confirme l'aboutissement de sa carrière. Il vient aussi témoigner de la richesse du jazz en Belgique, de la fusion artistique (de Monk à Coltrane) qui existe entre les jazzmen des deux communautés. Wallons et Flamands ne sont que des prénoms!

Claude Loxhay, Jazzaround Mag (13/12/2018)
En plus de 30 ans de carrière, il en a fait du chemin, l'ami Sal : des clubs liégeois de ses débuts à cette tournée en Chine avec Phil Abraham. Il a multiplié les rencontres. Il a croisé la crème du jazz belge : Jacques Pelzer, Toots, Philip Catherine, Steve Houben (album « Blue Circunstances »), Peter Hertmans (« Ode For Joe »), Greg Houben (« Meets Pierrick Pedron »), Nathalie Loriers (« Silent Spring »), Manu Hermia (« L'esprit du val ») mais aussi des Français comme Michel Graillier, Didier Lockwood, Olivier Hutman ou la chanteuse Anne Ducros et des Américains : Steve Grossman, Leo Mitchell, Jon Eardley, Lee Konitz ou le Sun Ra Orchestra dirigé par le batteur Marshall Allen. S'il a gravé de nombreux albums comme sideman, en dehors de « Dani Sings Billie » enregistré avec la chanteuse de Vaya con Dios, il n'avait encore gravé que deux disques personnels : « Latinea », avec deux guitaristes (Peter Hertmans et Jacques Pirotton) et « It Could Be The End » avec le saxophoniste guadeloupéen Jacques Schwarz Bart. Pour « Shifted », il retrouve des vieux compagnons de route. D'abord, Jeroen Van Herzeele qu'il a croisé au sein de la première version de Mâäk Spirit avec Laurent Blondiau, avec Peter Hertmans (« Ode For Joe »), en remplacement de Schwarz Bart pour certains concerts en quintet et en trio avec le batteur Lieven Venken qu'il retrouve ici. Enfin, au piano et au Wurlitzer pour trois plages (Cache=Cash, Ragga, Last Kiss), Pascal Mohy déjà présent sur le précédent album et avec qui il avait gravé « Automne » en 2008. Enfin, sur deux plages, il invite Phil Abraham. Pour « Shifted », Sal a rassemblé 5 nouvelles compositions personnelles, il a demandé à chacun de collaborer à l'écriture du répertoire (Waiting de Lieven, Psalm de Jeroen et Bicycle de Pascal), enfin, cerise sur le gâteau, il reprend Syndrome de Carla Bley dans une version particulièrement enlevée et avec un beau solo de contrebasse. Sur plusieurs thèmes, le quartet, galvanisé par la ligne robuste de contrebasse, le drive énergique de Lieven Venken et le ténor rageur aux accents déchirés de Jeroen, fait preuve d'un énergie très coltranienne (Shifted, Psalm ou Syndrome sur lequel Jeroen passe au soprano), tandis que Wise One, avec un beau solo de piano, navigue en eaux plus traditionnelles. « Shifted », c'est aussi des ballades : Bicycle avec une intro ténor/piano ou ce Waiting plus intériorisé, avec une intro de ténor soulignée par l'archet. Avec le Wurlitzer et le trombone de Phil Abraham, la musique prend des allures de hard bop (Cache=Cash et Ragga avec un beau chase ténor/trombone). Sal La Rocca sait varier les climats. Lui qui cite volontiers Paul Chambers, Ray Brown ou Scott La Faro comme références, il a su saisir le meilleur de chacun pour en faire son propre miel.

Pierre Dulieu, Dragon jazz La Sélection du Mois (29/11/2018)
Shifted est le quatrième disque de Sal La Rocca en leader ou coleader mais sa carrière de contrebassiste, actif depuis les années 80, l'a conduit à enregistrer d'innombrables albums depuis le lointain "Quartets" de Robert Jeanne sorti en 1992 sur le label B-Sharp aujourd'hui disparu jusqu'au quartet d'Anne Wolf capté live à la Jazz Station en 2015. Entretemps, le vétéran a joué avec le gratin de la scène jazz belge dans à peu près tous les styles de jazz moderne possibles. Ce nouveau disque a été réalisé en quartet avec quelques amis que Sal connaît bien : le saxophoniste Jeroen Van Herzeele qu'il a côtoyé dans le groupe Ode For Joe, le pianiste Pascal Mohy qui fut également son complice sur plusieurs projets dont sa précédente production (It Could Be The End en 2012) et le batteur Lieven Venken.

Le morceau éponyme en ouverture laisse entendre un combo énergique volontiers ouvert à un jazz libre. Jeroen Van Herzeele que l'on sait particulièrement à l'aise dans ce contexte avant-gardiste délivre ces envolées de ténor frénétiques dont il a le secret. Son jeu puissant et impétueux est admirablement soutenu par une rythmique en verve où brille un batteur dont le jeu est d'une grande intensité. Et les connaisseurs apprécieront tout autant son dialogue roboratif avec le tromboniste Phil Abraham sur Ragga.

Mais le quartet est une créature hybride qui peut aussi replonger dans la tradition et afficher un versant lyrique inattendu où s'illustre davantage Pascal Mohy. C'est le cas sur Bicycle, sublimé par une splendide improvisation mélancolique du pianiste. Fort de sa longue histoire faite d'expériences multiples, le contrebassiste fait le lien entre les deux mondes, cimentant les deux styles en une musique qui n'a rien d'hétérogène et certains morceaux comme Wise One offrent d'ailleurs les deux approches musicales entrelacées qui couvrent ainsi un large spectre d'émotions diverses. On y ajoutera encore le groove qui émerge à l'occasion comme sur Cache-Cash ou Ragga sur lequel Mohy substitue avec brio son piano électrique contre un Wurlitzer électrique.

Cette musique a une classe énorme qui n'est pas tombée du ciel : sa fluidité comme sa sophistication résultent non seulement des qualités individuelles des musiciens mais aussi de leur entente et de leurs échanges sublimés par une longue pratique commune. Vous voulez savoir comment le jazz se présente aujourd'hui ? Allez voir sur YouTube la splendide vidéo réalisée par Maël G. Lagadec pour le titre éponyme : l'image comme le son, en parfaite adéquation, séduisent et ont un impact considérable.

Georges Tonla Briquet, Jazz'Halo (28/11/2018)
Tijdens Gent Jazz gaf Sal La Rocca de voorbije zomer een voorsmaakje van wat hij achter de hand hield. Dat hij met dit programma vanaf volgende week een Jazz Lab tournee aangeboden krijgt, gevolgd door een Jazz Tour van Les Lundis D'Hortense in januari, is niet verwonderlijk.

Veteraan Sal La Rocca (1961) verdiende zijn jazzsporen bij onder meer Toots Thielemans, Nathalie Loriers en Philip Catherine. Daarnaast was hij nooit te beroerd om af en toe vreemd te gaan in het popwereldje. Wat hij echter niet uit het oog verloor, was contact te onderhouden met de jongere generatie. Wie zo regelmatig aan zijn zijde opdook, was pianist Pascal Mohy, die trouwens ook al te horen was op La Rocca zijn vorige cd bij Igloo ('It Could Be The End', 2012). Deze tandem krijgt nu het gezelschap van drummer Lieven Venken en saxofonist Jeroen Van Herzeele.

'Shifted' is de titel van de openingstrack en meteen worden de pionnen razendsnel doorgeschoven tussen de vier spelers onderling. Ze zijn duidelijk niet de studio ingedoken om er een gezapig onderonsje van te maken. Na een korte peptalk neemt Van Herzeele het roer in handen en drijft de snelheid op. Een knallende opener zoals dat heet.

In scherp contrast volgt het introspectieve 'Waiting', gecomponeerd door Lieven Venken. Met een Van Herzeele die zich als een ware kameleon aanpast en heen en weer schuifelt tussen zijn drie metgezellen. Dat onderhuidse spanningsveld vinden we terug in het daaropvolgende negen minutenlange 'Psalm', een nummer van Van Herzeele. De meest spirituele kant van Coltrane weegt hier door. Met een Mohy die zich helemaal inleeft en er nog een extra dimensie aan toevoegt. Heel sterk allemaal en dan zijn we nog maar zeventien minuten ver.

In 'Cache-Cash' is het gasttrombonist Phil Abraham die Van Herzeele aanspoort tot nieuwe uitdagingen terwijl Mohy in 'Ragga' de kans grijpt om de piano in te ruilen voor een Wurlitzer. Een van de meest kubistische stukken. Op het programma tevens een hectische versie van 'Syndrome' (Carla Bley) aanvankelijk getekend door een hyper gedreven spel tussen bassist en pianist maar het duo wordt al snel bijgebeend door Van Herzeele en de continu aanwezige Venken.

Wie erbij was in Gent (waar Erik Vermeulen weliswaar de plaats innam van Mohy) weet ondertussen dat dit een kwartet is dat live heel elastisch te werk gaat en continu laveert tussen verschillende invalshoeken. Spannend over de ganse lijn.

Jean-Pierre Goffin, L'avenir, p. 17 (27/11/2018)****
Sal La Rocca: basse de classe.
Hyperactif sur les s scènes belge et internationale depuis plus de trente ans le contrebassiste Sal La Rocca se sent aussi à l'aise dans le jazz traditionnel ou l'avant garde. L'album Shifted démontre combien son implication dans la musique est ouverte et sincère Il est entouré de quelques uns des meilleurs musiciens du moment: les bouillants Jeroen Van Herzeele au sax ténor, le vibrant Lieven Vencken à la batterie et le raffiné Pascal Mohy au piano et wurlitzer mettent en valeur les compositions du leader avec une énergie de tous les instants. Du grand jazz!

 

 

 

 

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