Eric Therer, Jazzmania (18/09/2023)
Il y a dix ans, à l’occasion de la sortie de l’album « Overstroomd » de Moker, nous saluions l’arrivée de Jordi Grognard au sein de ce quintet qui affichait alors sa volonté d’explorer tout le spectre de la sphère jazz. Un éclectisme duquel Grognard ne s’est jamais départi. À la fois saxophoniste, clarinettiste, flûtiste, et hautboïste à ses heures, on l’a vu et entendu au sein de plusieurs formations dont, outre Moker, Yôkaï, Oba Loba et Tout Finira Bien mais également en tant que renfort chez Aksak Maboul. « Monkey’s Meeting » est le premier album qu’il signe sous son nom en tant que compositeur et en tant que leader. Flanqué de son comparse de longue date, le contrebassiste italien Manolo Cabras, et par le jeune batteur Gaspard Sicx, il a composé les neuf morceaux du disque. Comme à l’habitude, Grognard joue et se joue des instruments, passant du sax ténor à la clarinette basse ou à la flûte, mais aussi à la gralla, un instrument catalan ressemblant à une bombarde. Le disque dégage à la fois une énergie simple, sans prise de tête, tout en insufflant une fraîcheur à des compositions qui reflètent une belle habilité d’écriture. La basse sonne ronde et coruscante, elle sert et renforce une rythmique habile, alerte. Jordi n’a pas encore atteint son apogée. Il est en pente ascendante. Son nom reviendra inévitablement dans nos pages. Il est grand temps d’en dresser un portrait plus exhaustif. Nous nous emploierons à le faire prochainement.

Jean-Claude Vantroyen, Le Soir (05/07/2023)
Monkey’s Meeting, parce que vous êtes trois singes à jouer cette musique ? Jordi Grognard me regarde d’un air ironique (ses yeux sourient toujours) : « Mais non, je préférais prendre le titre de ce morceau pour l’album qu’Infrabelle, par exemple. Je le trouvais pertinent, amusant, facile, monkey bizness quoi. Pas de prise de tête intello : c’est juste un titre ! » Le saxophoniste bruxellois joue du ténor mais aussi de la clarinette basse, de la flûte et de la grailla sur cet album. De la grailla ?
« C’est un instrument catalan, comme une bombarde, en fait. » On ne se prénomme pas Jordi pour rien. Autour de lui, Manolo Cabras à la contrebasse et Gaspard Sicx à la batterie. Un beau trio. je l’avais vu au Karreveld, à Molenbeek, lors du confinement, quand on organisait des concerts en plein air où les spectateurs devaient tenir leurs distances. C’était très ensoleillé, très énergique et puissant. L’album est tout aussi fort mais aussi plus sophistiqué.
C’est du post-bop, du modal, du post-Ornette Coleman si on peut dire. « Comme Ornette envisageait l’harmelodie, l’harmonie déduite de la mélodie. » Sur des thèmes fournis par Jordi Grognard, c’est de l’impro collective. Le trio pratique la langue d’Ornette Coleman et Don Cherry. « Bien sûr j’ai aussi écouté Coltrane et Youssef Lateef, ce sont mes références. Mais je ne veux pas reproduire ce qu’ils faisaient. Cela m’inspire, mais je ne copie pas », ajoute Jordi. L’enregistrement est pris dans les conditions du live : pas d’overdub, pas d’edit. Et c’est très réussi. Le trio est très lié, chacun sent ce que l’autre va faire. Et les musiques sont belles. Sun Raag ou Gone, yet here ou Basmatea, en tout neuf pistes. De la « free form music » peut-être, mais pas du «noise»: la musique est libre et incisive, mais elle est esthétique et totalement accessible. Et j’aime beaucoup.

 

 

 

 

 

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